Télétravail : trois articles seulement dans le code du Travail…
Est-il obligatoire ou facultatif ?

La présentation qui suit a été proposée par Me Laurent Laillet lors des Matinées du Droit Social le 9 février 2021.

Nous proposons de poursuivre l’information sur des questions spécifiques à votre entreprise par une prise de rendez-vous ou une requête via le formulaire de contact présent sur ce site.

La structure et le contenu de la présentation ci-dessous ne peuvent être utilisés que pour un usage personnel, toute reproduction même partielle est strictement interdite.

Fondements et mise en place

3 articles dans le code du travail

L.1222-9 (Loi 5 09 2018)

L.1222-10 (Ord 22 09 2017)

L.1222-11 (Ord 22 09 2017)

Un Accord National Interprofessionnel du 19 juillet 2005, étendu par décision du Ministère du Travail (applicable)
Une ordonnance MACRON du 22 septembre 2017
  • suppression de l’obligation de participer financièrement aux équipements nécessaires et aux frais du salarié en TT)
Un Accord National Interprofessionnel du 26 novembre 2020, non étendu
  • non applicable mais qui peut servir de « cadre de référence utile »)
  • Ce dernier accord ne crée pas de nouveaux droits et obligations
Article L1222-9 du Code du Travail
  • le télétravail désigne toute forme d’organisation du travail dans laquelle un travail qui aurait également pu être exécuté dans les locaux de l’employeur est effectué par un salarié hors de ces locaux de façon volontaire en utilisant les technologies de l’information et de la communication.
  • On distingue le télétravail occasionnel (avant COVID) et le travail régulier (organisé, négocié, réglementé)
« qui aurait également pu être exécuté dans les locaux de l’employeur »
  • Ne pas confondre avec l’astreinte
« par un salarié hors de ces locaux »
  • On peut être à temps plein ou à temps partiel, en CDD ou en CDI
  • On peut faire du TT à son domicile, sur son lieux de vacances, à la plage, un lieu de coworking, dans un centre d’affaires
« de façon volontaire »
  • Principe de respect de la vie privée et des contraintes matérielles
« Lorsque l’employeur a connaissance des situations de risque pour la santé des salariés, il doit :
  • Organiser quand c’est possible leur télétravail,
  • En cas d’impossibilité, mettre en place les mesures de protection renforcées du travail présentiel.
4 manières différentes

1 – En cas de circonstances exceptionnelles, notamment de menace d’épidémie, ou en cas de force majeure, la mise en oeuvre du télétravail peut être considérée comme un aménagement du poste de travail rendu nécessaire pour permettre la continuité de l’activité de l’entreprise et garantir la protection des salariés.

En cas de confinement comme on l’a vécu

  • Pendant le confinement de Mars à Avril 2020, il était obligatoire, et en cas d’impossibilité, chômage partiel
  • Dans ce cas, le télétravail devient un simple aménagement du poste de travail pour permettre (pas besoin de l’accord du salarié)
    • la continuité de l’activité de l’entreprise
    • garantir la protection des salariés en cas d’épidémie pour mettre en place cette nouvelle organisation.

Actuellement (pandémie donc état d’urgence mais sans confinement)

  • Le code du travail s’applique mais pas l’article qui parle de circonstances exceptionnelles, donc il n’est pas obligatoire
  • Le Ministère du Travail a produit une norme « le protocole sanitaire national » qui dit que le télétravail est obligatoire !
  • Mais le Conseil d’Etat a dit récemment que le protocole nationale n’a pas de valeur contraignante c’est-à-dire non obligatoire…
Qui croire ?
2 – Le télétravail est mis en place dans le cadre d’un accord collectif
  • En général entreprise de plus de 10 salariés
3 – A défaut, dans le cadre d’une charte élaborée par l’employeur après avis du comité social et économique, s’il existe.
  • Il faudra quand même l’accord du salarié dans ces deux cas
4 – A défaut, lorsque le salarié et l’employeur conviennent de recourir au télétravail,
  • ils formalisent leur accord par tout moyen (contrat, échange de mail, tout écrit…)
  • En général, un contrat de travail ou un avenant, mais pas obligatoire
1° Les conditions de passage en télétravail et les conditions de retour à une exécution du contrat de travail sans télétravail;
  • (Période d’adaptation, délai de prévenance, réversibilité)
2° Les modalités d’acceptation par le salarié des conditions de mise en oeuvre du télétravail
  • (par ex. selon son ancienneté, selon les circonstances propres à l’entreprise)
3° Les modalités de contrôle du temps de travail ou de régulation de la charge de travail ;
4° La détermination des plages horaires durant lesquelles l’employeur peut habituellement contacter le salarié en télétravail;
5°Les modalités d’accès des travailleurs handicapés à une organisation en télétravail.
Le télétravailleur a les mêmes droits que le salarié qui exécute son travail dans les locaux de l’entreprise.
  • Tickets restaurant, Frais de transports sauf TT à 100%
L’employeur qui refuse d’accorder le bénéfice du télétravail à un salarié qui occupe un poste éligible à un mode d’organisation en télétravail doit motiver sa réponse.
  • mais la loi n’a pas prévu de sanction spécifique
Outre ses obligations de droit commun vis-à-vis de ses salariés, l’employeur est tenu à l’égard du salarié en télétravail :
  • 1° D’informer le salarié de toute restriction à l’usage d’équipements ou outils informatiques ou de services de communication électronique et des sanctions en cas de non-respect de telles restrictions ;
    • Droit à la vie privée et libertés individuelles
  • 2° De lui donner priorité pour occuper ou reprendre un poste sans télétravail qui correspond à ses qualifications et compétences professionnelles et de porter à sa connaissance la disponibilité de tout poste de cette nature ;
    • Réversibilité qui n’aurait pas été prévue…
  • 3° D’organiser chaque année un entretien qui porte notamment sur les conditions d’activité du salarié et sa charge de travail.
Pour le salarié
  • » Obligatoire en cas de confinement (à défaut chômage partiel), aucun formalisme (pas besoin d’un avenant)
  • En dehors de ce cas, il faut toujours son accord.
Pour l’employeur
  • Obligatoire en cas de confinement
  • Si l’activité est « télétravaillable » :
    • obligatoire en période de pandémie (hors confinement)
    • obligatoire si prescrit comme un aménagement de poste par le médecin du travail
Les ANI ont une force obligatoire moins grande,
  • ils ne créent pas de droit,
  • ils peuvent être modifiés par l’effet de la loi (frais d’atelier),
  • ils sont une source pour négocier des accords d’entreprises et des chartes
Seules quelques règles de base sont prévues par le Code du Travail

À retenir

  • l’accord du salarié par tout moyen (AE, CHARTE,CONTRAT,TOUT ECRIT) sauf exceptions
  • Les mêmes droits que le salarié sur site
  • Le respect de la vie privé

Questions, réponses…

NON. À la suite d’un dialogue entre le salarié et l’employeur, ce dernier détermine la quotité de travail pouvant être exercée en télétravail et sa répartition si alternance télétravail et présence sur le lieu de travail.

Dans le contexte actuel, l’organisation du travail doit permettre de réduire les déplacements domicile-travail et d’aménager le temps de présence en entreprise pour l’exécution des tâches qui ne peuvent être réalisées en télétravail, pour réduire les interactions sociales.

Votre employeur a le droit de vous imposer des congés en application des dispositions de droit commun et des dispositions exceptionnelles prévues par la loi pendant la période de crise sanitaire (cf. ordonnance n°2020-323 du 25 mars 2020 portant mesures d’urgence en matière de congés payés, de durée du travail et de jours de repos).

Il n’a pas le droit de vous faire télétravailler pendant vos congés car le télétravail ne peut être pratiqué que pendant les jours et horaires de travail.

OUI. L’employeur fixe vos horaires de travail et vous devez être opérationnel et disponible pendant les horaires fixés.

Les droits au temps de pause et de déjeuner restent les mêmes.

L’employeur peut contrôler la durée du travail, mais en terme de management, il est préférable de privilégier le contrôle de la réalisation des missions par objectifs sur une période donnée.

NON. Sauf accord ou charte d’entreprise le précisant, aucune obligation n’est édictée par le code du travail quant à la configuration du lieu où le travail est exercé en télétravail.

NON. Vous pouvez utiliser votre ordinateur personnel mais ce n’est pas une obligation. Si l’employeur vous impose de télétravailler, il doit vous fournir un ordinateur si vous n’en avez pas ou que vous ne voulez pas utiliser votre ordinateur personnel

OUI. Il revient à l’employeur d’évaluer si le poste de travail est compatible ou non avec le télétravail.

Si aucune solution technique (accès VPN) ne permet au salarié d’exercer son activité en télétravail, l’activité pourra se poursuivre sur le lieu de travail, conformément aux recommandations figurant dans le protocole national pour assurer la santé et la sécurité des salariés

OUI, car les droits de l’employeur en matière de surveillance des salariés ne diffèrent pas selon que ceux-ci travaillent sur site ou à distance.

Au titre de son pouvoir de direction, l’employeur est fondé à donner des instructions à ses salariés et à en en surveiller l’exécution.

Néanmoins, ce droit non absolu, ne pourra valablement être exercé que dans le respect de plusieurs libertés individuelles fondamentales des salariés telles que :

  • Le droit au respect de la vie privée ou le secret de la correspondance
  • Dans le respect de l’impératif de proportionnalité entre le but recherché et les restrictions apportées aux libertés individuelles (ex.caméra, géolocalisation…)
  • L’exigence de loyauté et de bonne foi dans toute relation de travail

Le télétravail n’étant qu’une modalité d’organisation de travail, l’employeur conserve, au même titre que lorsque le travail est effectué sur site, le pouvoir d’encadrer et de contrôler l’exécution des tâches confiées à son salarié.

Néanmoins, si le pouvoir de contrôle de l’employeur est une contrepartie normale et inhérente au contrat de travail, ce pouvoir ne saurait être exercé de manière excessive.

L’employeur doit donc toujours justifier que les dispositifs mis en oeuvre sont strictement proportionnés à l’objectif poursuivi et ne portent pas atteinte excessive au respect des droits et libertés des salariés, particulièrement le droit au respect de leur vie privée.

« Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché » Article L. 1121-1 du Code du travail

Le salarié doit être informé préalablement des méthodes et techniques d’évaluation professionnelle, qui doivent être pertinentes au regard de la finalité poursuive, ainsi que de toute information le concernant personnellement.

Le CSE doit également être informé et consulté sur les questions intéressant l’organisation de l’entreprise, notamment sur L’introduction de nouvelles technologies,

Aucun dispositif ne doit conduire à une surveillance constante et permanente de l’activité du salarié.

Ainsi, les « keyloggers » qui permettent d’enregistrer à distance toutes les actions accomplies sur un ordinateur sont considérées, sauf circonstance exceptionnelle liée à un fort impératif de sécurité, comme illicite par la CNIL.

De même le recours à la webcam ou à des appels téléphoniques ne doivent pas conduire à une surveillance excessive.

Exemples et conclusion

Sont interdits :
  • Une surveillance constante par vidéo WEBCAM ou audio
  • Le partage d’écran permanent
  • Le logiciel de surveillance dont ce serait l’unique but
  • Les frappes claviers (keyloggers)
  • L’obligation de faire des actions régulières (photos)
Est conseillé :
  • De ne pas imposer la vidéo de manière systématique (vie privé), seules des circonstances très particulières, dont il appartiendrait à l’employeur de justifier, pourrait rendre nécessaire la tenue de la visioconférence à visage découvert.

L’usage d’équipements informatiques personnels dans un contexte professionnel est connu sous l’acronyme de « BYOD » qui est l’abréviation de l’expression anglaise « Bring Your Own Device » (en français : « Apportez Votre Equipement personnel de Communication » ou AVEC).

La réglementation en matière de protection des données personnelles veut que le niveau de sécurité et de confidentialité des données personnelles traitées soit le même, quel que soit l’équipement utilisé.

L’employeur reste en effet responsable de la sécurité des données personnelles de son entreprise, y compris lorsqu’elles sont stockées sur des terminaux dont il n’a pas la maîtrise physique ou juridique, mais dont il a autorisé l’utilisation pour accéder aux ressources informatiques de l’entreprise.

Par ailleurs, l’employeur ne peut pas accéder aux données figurant sur l’équipement personnel de ses employés, contrairement à l’équipement professionnel sauf les fichiers identifiés comme personnels

Une « pratique » ou « un mode d’organisation » à part entière qui s’est généralisée mais qui va perdurer sans doute avec moins d’intensité, et qui implique d’être pensé (travail réel/travail prescrit), au-delà des « économies » réalisées par tous (transport/m2 de bureaux) et des investissements sur la numérisation des activités

Seule une hausse du niveau de satisfaction des collaborateurs va augmenter la productivité (note de l’OCDE)

Enquête « mondiale » US et CHINOISE (Mars 2020) a démontré pour des salariés en centre d’appel une augmentation de la productivité de 13% et une chute du turn over de 50%

  • Ne pas généraliser : le contenu de la mission déterminera si plus productif en TT ou sur site (critère de l’autonomie)

Une obligation légale via DUERP : l’employeur garant de la santé/sécurité physique/mentale

1/ L’environnement de travail
  • L’environnement domestique : une organisation au domicile pour différencier temps de travail et vie personnelle, séculariser si possible un espace. On note un allongement de la journée de travail (# de l’augmentation du temps de travail)
  • L’environnement matériel : le domicile et le poste de travail à domicile n’est pas conçu comme un bureau (TMS)
  • L’environnement social : l’isolement (le collectif de travail est un pilier dans l’équilibre du salarié) peut favoriser les addictions et des souffrances, encore plus en cas de situation de violence perçue par téléphone, par mail…

D’où la nécessité de créer des procédures de gestion des difficultés, des liens, des présences sur sites (1 jour par semaine actuellement)…etc

2/ Les outils et les ressources
  • Penser à travailler sur la dépendance aux outils de communication :
    • simplicité/fonctionnalité/fiabilité/ maîtrise
3/ L’autonomie et la charge de travail
  • S’assurer que le salarié parvienne à gérer l’autonomie et l’organisation personnelle
  • Maîtrise du temps de travail : encadrer et faire respecter
  • Equilibre vie prof/vie personnelle : droit à la déconnexion
4/ Les relations avec le manager
  • Penser la nouvelle organisation du travail et la culture d’entreprise
  • Etre transparent sur le suivi des activités
  • Co-existence de TT et de T sur site : égalité de traitement
  • Inégalités régionales
5/ Le collectif de travail
  • Les moyens de le maintenir car perte de VA (échanger, « cocréer », innover)
  • Eviter le 100%
  • L’invisibilité du télétravailleur…

NON. Vous pouvez utiliser votre ordinateur personnel mais ce n’est pas une obligation. Si l’employeur vous impose de télétravailler, il doit vous fournir un ordinateur si vous n’en avez pas ou que vous ne voulez pas utiliser votre ordinateur personnel

OUI. Il revient à l’employeur d’évaluer si le poste de travail est compatible ou non avec le télétravail.

Si aucune solution technique (accès VPN) ne permet au salarié d’exercer son activité en télétravail, l’activité pourra se poursuivre sur le lieu de travail, conformément aux recommandations figurant dans le protocole national pour assurer la santé et la sécurité des salariés

OUI, car les droits de l’employeur en matière de surveillance des salariés ne diffèrent pas selon que ceux-ci travaillent sur site ou à distance.

Au titre de son pouvoir de direction, l’employeur est fondé à donner des instructions à ses salariés et à en en surveiller l’exécution.

Néanmoins, ce droit non absolu, ne pourra valablement être exercé que dans le respect de plusieurs libertés individuelles fondamentales des salariés telles que :

  • Le droit au respect de la vie privée ou le secret de la correspondance
  • Dans le respect de l’impératif de proportionnalité entre le but recherché et les restrictions apportées aux libertés individuelles (ex.caméra, géolocalisation…)
  • L’exigence de loyauté et de bonne foi dans toute relation de travail

Le télétravail n’étant qu’une modalité d’organisation de travail, l’employeur conserve, au même titre que lorsque le travail est effectué sur site, le pouvoir d’encadrer et de contrôler l’exécution des tâches confiées à son salarié.

Néanmoins, si le pouvoir de contrôle de l’employeur est une contrepartie normale et inhérente au contrat de travail, ce pouvoir ne saurait être exercé de manière excessive.

L’employeur doit donc toujours justifier que les dispositifs mis en oeuvre sont strictement proportionnés à l’objectif poursuivi et ne portent pas atteinte excessive au respect des droits et libertés des salariés, particulièrement le droit au respect de leur vie privée.

« Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché » Article L. 1121-1 du Code du travail

Le salarié doit être informé préalablement des méthodes et techniques d’évaluation professionnelle, qui doivent être pertinentes au regard de la finalité poursuive, ainsi que de toute information le concernant personnellement.

Le CSE doit également être informé et consulté sur les questions intéressant l’organisation de l’entreprise, notamment sur L’introduction de nouvelles technologies,

Aucun dispositif ne doit conduire à une surveillance constante et permanente de l’activité du salarié.

Ainsi, les « keyloggers » qui permettent d’enregistrer à distance toutes les actions accomplies sur un ordinateur sont considérées, sauf circonstance exceptionnelle liée à un fort impératif de sécurité, comme illicite par la CNIL.

De même le recours à la webcam ou à des appels téléphoniques ne doivent pas conduire à une surveillance excessive.

Rédaction : Me L. Laillet